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Dans un souci de transparence et d’information, le BFP publie régulièrement les méthodes et résultats de ses travaux. Les publications sont organisées en séries, entre autres, les perspectives, les working papers et planning papers. Certains rapports peuvent également être consultés ici, de même que les bulletins du Short Term Update publiés jusqu’en 2015. Une recherche par thématique, type de publication, auteur et année vous est proposée.
Une réforme des industries de réseau est en cours depuis les années 1990 dans les États membres de l’Union européenne, en partie à l’initiative des États membres eux-mêmes, en partie à l’initiative de la Commission européenne. Elle a pour objet, d’une part, d’encourager une concurrence effective par la réalisation du marché unique, et d’autre part, de renforcer l’efficacité économique. Avant cette réforme, les industries de réseau jouissaient pour la plupart d’un monopole légal au niveau national et étaient souvent aussi des entreprises publiques. Comme les industries de réseau jouent un rôle économique et social essentiel, une telle structure permettait de garantir aux pouvoirs publics un droit de regard sur leur fonctionnement. Toutefois, elle comportait aussi un grand risque d’inefficacité. Par ailleurs, la persistance de monopoles nationaux est contraire à l’esprit du marché unique européen, dans lequel les entreprises sont libres de pénétrer sur les marchés des autres États membres. La réforme est principalement destinée à autoriser la concurrence et à réglementer l’accès à l’infrastructure. Dans plusieurs cas, elle s’accompagne d’une privatisation.
La présente étude analyse, pour la Belgique, les conséquences des réformes des secteurs de l’électricité, du gaz, des télécommunications, des chemins de fer et des postes. Il ressort de l’analyse que la réforme a une incidence économique essentiellement favorable.
Les Planning Papers présentaient des études finalisées sur des thèmes de plus large intérêt. La série est clôturée depuis 2022. Le Short Term Update (STU) était un bulletin trimestriel donnant un aperçu actualisé de l’économie belge et des études en cours du BFP. La série est clôturée depuis 2015.
L’analyse théorique se base sur la théorie microéconomique du comportement des producteurs. Celle-ci part de l’hypothèse qu’un producteur prend des décisions rationnelles : il aspire à maximaliser son bénéfice. Dans un marché qui ne compte qu’un seul offrant, c’est-à-dire un monopole, cet objectif mène à des prix plus élevés et à des volumes de vente plus faibles que dans un marché soumis aux règles de la concurrence parfaite. De plus, il est vraisemblable que les coûts de production soient plus élevés que dans un marché concurrentiel. La science économique considère une telle situation comme inefficace. En introduisant la concurrence, le mécanisme de marché assure une amélioration de l’efficacité. Le comportement rationnel des producteurs en concurrence (maximalisation du bénéfice) génère un autre résultat que celui du monopoleur. Par rapport à une situation de monopole, un marché concurrentiel permet une baisse des prix, une augmentation des ventes et probablement aussi une hausse de la productivité.
Toutefois, dans les industries de réseau, l’existence d’un monopole est souvent inévitable. C’est en particulier vrai pour la détention et la gestion du réseau lui-même : la construction et la gestion du réseau peuvent exiger des investissements si élevés que l’existence de plusieurs réseaux concurrents n’est pas envisageable. La théorie parle dans ce cas de ‘monopole naturel’. En raison de ce monopole naturel, les auteurs des réformes ont souvent opté pour une segmentation verticale (dans la réglementation européenne, ce type de segmentation est même imposé pour certaines industries de réseau). La concurrence peut alors être autorisée dans les segments où il n’existe pas de monopole naturel et l’intervention publique peut se concentrer sur le monopole naturel. La réglementation doit donner des stimulants au producteur pour qu’il atteigne un résultat efficient.
Dans les industries de réseau, le détenteur du monopole est souvent une entreprise publique. En principe, dans une entreprise publique, il n’y a pas de volonté de maximaliser les bénéfices. Les pouvoirs publics souhaitent plutôt, par la gestion de l’entreprise, atteindre certains objectifs sociaux, comme le maintien du service public et l’emploi. Les prix peuvent être maintenus à un niveau bas, plus bas même que dans un marché concurrentiel. De même, il n’est pas exclu que la productivité soit encore plus faible que dans un monopole privé, avec pour corollaire, une inefficacité plus importante. L’organisation de la concurrence a, dès lors, pour objet de permettre au mécanisme du marché d’accroître l’efficacité. Les nouveaux acteurs étant en principe des entreprises privées, les chances de chacun risquent d’être inégales si une entreprise publique est présente sur le marché. Ceci n’est pas un plaidoyer pour une privatisation mais un argument en faveur de l’organisation de conditions de marché égales pour tous les producteurs.
Il est très difficile d’anticiper les conséquences de la réforme sur l’emploi. Si la croissance de la productivité débouche sur une baisse de l’emploi dans le secteur réformé, l’accroissement des ventes, lui, peut engendrer une hausse de l’emploi. De plus, on peut s’attendre à ce que la réforme ait des conséquences favorables pour le reste de l’économie. En effet, les autres secteurs et consommateurs peuvent profiter de l’amélioration de l’efficacité et de la baisse des prix, ce qui peut aussi influer sur la position concurrentielle de l’ensemble de l’économie.
En résumé, la réforme a, d’après la théorie économique et le modèle généralement appliqué (ouverture du marché avec réglementation et éventuellement privatisation), une incidence économique favorable. Cette étude a analysé cette incidence de trois manières différentes.
Une première méthode repose sur un benchmarking de l’expérience des États membres qui sont déjà relativement bien avancés dans la réforme du marché. Ce benchmarking se concentre sur trois secteurs de réseau dans cinq pays. Huit études de cas ont été menées sur cet échantillon : l’électricité au Royaume-Uni, en Allemagne et en Espagne ; les chemins de fer au Royaume-Uni, en Allemagne et en Suède ; les postes aux Pays-Bas et en Suède. Pour chacun de ces trois secteurs, une comparaison a été établie avec la situation en Belgique. Un important facteur de succès de la réforme du marché est la manière dont la réforme a été engagée. Il semble que chaque pays ait, à cet égard, sa propre approche qu’il applique dans plusieurs secteurs. Ces expériences permettent de tirer des leçons pour la réforme des industries de réseau en Belgique.
La principale est que la réforme doit créer un cadre où la concurrence est effective. Toutefois, une déréglementation trop radicale peut entraver le bon fonctionnement du marché. Une fois le cadre créé, il y a de fortes probabilités que la réforme ait réellement une incidence économique favorable. Dans le cadre du benchmarking, le lien entre la réforme et plusieurs indicateurs économiques est analysé. Bien que le nombre d’observations ait toujours été relativement restreint, les effets prévus par la théorie ont la plupart du temps été constatés. Dans tous les cas, la réforme est allée de pair avec une progression de l’efficacité et de l’innovation. En matière d’emploi, un recul a été observé. Il s’agit donc d’un point important à prendre en considération pour la politique à mener. En matière de prix, le résultat est quelque peu surprenant : après la réforme, les prix sont davantage liés aux coûts de production et, de ce fait, certains prix sont plus élevés qu’auparavant. Pour ce qui est des indicateurs concernant la qualité et le service universel, les liens sont moins évidents, ce qui montre clairement l’importance d’une bonne régulation du service universel.
La deuxième méthode consiste en une étude de la littérature portant sur les réformes de marché. Tout comme dans le cas du benchmarking, l’objectif a été de mettre en évidence un rapport entre la réforme et des aspects économiques importants. Un élément central des études est la formulation d’un indice adéquat du degré de réglementation du marché, formulation qui exige une conversion de l’information qualitative en un indicateur quantitatif. L’information qualitative comprend divers éléments de la réglementation, notamment la segmentation de l’infrastructure, l’autorisation de la concurrence, la privatisation et la structure du marché. L’ocde a réalisé beaucoup de travaux dans ce domaine. Elle a dressé, pour sept industries de réseau (les cinq de cette étude plus le transport aérien et par route) de 21 États membres, une série chronologique d’indices de réglementation couvrant la période allant de 1975 à 1998 inclus. Une grande quantité d’informations qualitatives ont été quantifiées et rassemblées sur une échelle allant de 0 à 6. Ce travail a inévitablement nécessité des choix arbitraires mais il n’en reste pas moins vrai qu’une forte réglementation mène à un score élevé tandis qu’une faible réglementation obtient un score bas.
En ce qui concerne la Belgique, jusqu’en 1990, l’indice de réglementation pour les cinq industries de réseau était de 5,2 sur une échelle de 6. Cette moyenne est ensuite redescendue pour atteindre 3,9 en 1998, ce qui correspond encore à une réglementation relativement forte. À titre de comparaison, la moyenne des 21 pays s’élevait encore à 5,0 en 1986, pour ensuite baisser progressivement à 3,4 en 1998. Par conséquent, la réglementation en Belgique en 1998 était plus forte que dans la plupart des 21 autres États membres de l'étude de l'ocde. En Belgique, en 1998, les télécommunications obtenaient le score le plus bas (2,6) car une réforme importante avait déjà eu lieu dans ce secteur au cours de l’année précédente. Ce sont les chemins de fer qui ont obtenu le score le plus élevé (5,6).
Utilisant ces types d’indices de réglementation comme variables explicatives, l’ocde et d’autres organisations ont effectué des analyses économétrique de l’effet des réformes sur des variables économiques telles que la productivité, l’emploi, les prix et les investissements. Nombre de ces études sont arrivées à des résultats qui correspondent aux effets que l’on pouvait attendre d’un point de vue théorique. La déréglementation semble donc aller de pair avec une hausse de la productivité et de l’efficacité tant dans les secteurs déréglementés que dans les autres secteurs. Elle semble également s’accompagner d’une baisse des prix. Le rapport avec l’emploi macroéconomique est lui aussi essentiellement positif. L’emploi ne pâtit pas de la réforme dans le secteur des télécommunications, en pleine croissance. Par contre, il est en recul dans le secteur de l’électricité. Enfin, un rapport essentiellement positif a été observé avec la qualité et les investissements.
Outre les évaluations économétriques, l’ocde et l’ue, entre autres, ont réalisé des simulations de modèles. À cet effet, plusieurs effets microéconomiques de la réforme du marché ont été introduits dans des modèles macroéconomiques. Le résultat de ces simulations est une accélération temporaire de la croissance économique, qui porte le pib par habitant à un niveau plus élevé qu’en l’absence de réforme du marché.
La troisième méthode consiste en une simulation de l’indice de réglementation pour la Belgique pour la situation actuelle (2004) ainsi que pour la situation qui prévaudra une fois les réformes abouties (soit à l’horizon de ±2010). Pour cette prévision, deux variantes ont été explorées. La première est une estimation prudente, intégrant tous les programmes de réforme en cours ainsi que des hypothèses prudentes quant aux entrées dans le marché et à la privatisation. La deuxième est plus spéculative. Elle intègre aussi les réformes qui n’ont pas encore été décidées ainsi que des hypothèses plus ‘audacieuses’ relatives aux entrées dans le marché et à la privatisation.
Alors que l’indice moyen de réglementation atteignait encore 3,9 en 1998, il devrait redescendre à 3,0 en 2004. D’ici à ±2010, il diminuerait encore pour atteindre une valeur de 2,7 selon la prévision prudente et de 2,0 selon la prévision audacieuse. Pour quatre des cinq secteurs, cet indice serait du même ordre de grandeur (entre 2,1 et 2,7 ou entre 1,0 et 2,1 respectivement). L’indice ne resterait élevé que pour les chemins de fer, soit 3,8 dans les deux variantes. Deux raisons expliquent cette prévision : d’une part, il n’existe pas encore de projets concrets pour l’ouverture du marché du transport national de voyageurs et, d’autre part, il est supposé que la sncb restera une entreprise publique à 100 %.
La dernière partie de cette étude s’attache à décrire et à évaluer brièvement la réglementation belge des industries de réseau. Dans plusieurs cas, la politique est judicieuse parce qu’elle donne les incitations adéquates pour assurer un bon fonctionnement du marché. Dans d’autres, elle génère des risques qui se concrétiseront si la réforme entraîne un comportement de marché qui ne mène pas nécessairement à l’objectif souhaité. Le rôle principal des pouvoirs publics est de créer les conditions appropriées qui assureront un bon fonctionnement du marché. Pour atteindre cet objectif, la réglementation existante ou projetée peut être évaluée à la lumière de plusieurs critères.
Une telle réglementation devrait garantir une séparation effective entre le réseau et les autres segments, ainsi qu’un accès au réseau pour toutes les parties intéressées. Il convient d’assurer la surveillance des positions dominantes dans les segments ouverts à la concurrence. Les stimulations économiques du marché perçues par les acteurs devraient amener les prix à un niveau suffisamment bas pour les rendre avantageux pour les utilisateurs et compétitifs au niveau international, mais suffisamment élevés pour garantir un bénéfice permettant de soutenir les investissements. À cet effet, un contrôle du marché est impératif, tout comme une régulation de marché qui n’autorise aucune collusion. En revanche, une réglementation trop stricte des prix risque d’entraîner un manque de rendement pour financer des investissements.
La forme exacte de la réglementation n’a peut-être pas tellement d’importance (privatiser ou non, sous-traiter ou non le service public, etc.). Ce qui importe le plus, c’est que la réglementation soit de nature à répondre de façon optimale aux critères et permette ainsi d’atteindre l’objectif de la réforme.
Bien qu’ils ne soient pas traités en détail dans ce rapport, certains éléments de la réforme pouvant être sensibles d’un point de vue sociétal sont évoqués. Parmi eux, l’emploi. Une réforme des industries de réseau engendre presque inévitablement des pertes d’emploi et des changements de conditions de travail. D’autre part, elle peut améliorer la position concurentielle de l’ensemble de l’économie et, à terme, créer un potentiel de croissance. Le secteur concerné peut, comme ce fut le cas pour les télécommunications, connaître une croissance pendant et après la réforme. Par conséquent, il importe que les décideurs se préoccupent de la position des travailleurs directement concernés par la réforme de sorte qu’ils puissent poursuivre leur carrière dans de bonnes conditions.
Le service public est un deuxième élément sensible. L’ouverture d’un marché peut compromettre le service public (ou en tout cas sa qualité) puisque les nouveaux entrants ne peuvent pas toujours l’assurer de manière rentable. Le volet service public aussi doit donc faire l’objet d’une attention particulière de la part des décideurs. En pratique, ceux-ci imposent souvent, dans le cadre d’une réforme, le respect d’un certain degré de service public ou universel. Les producteurs doivent assurer un ensemble minimum de prestations, à titre d’exemple, le nombre de trains par heure devant s’arrêter dans une gare déterminée. Pour ce faire, des subventions peuvent être octroyées si nécessaire. Le service public semble donc conciliable avec la réforme de marché. A cet égard, le statut privé ou public du producteur n’a pas d’importance.
Le troisième et dernier élément sensible s’inscrit dans le prolongement du service public. La réforme de marché s’accompagne, dans un certain nombre de cas, de la privatisation d’une ou de plusieurs entreprises publiques. En outre, il existe un risque que les pouvoirs publics perdent un certain contrôle sur des activités très sensibles pour la société, et que l’entreprise privée souhaite davantage maximiser son bénéfice plutôt que de satisfaire l’intérêt commun. Les décideurs doivent rester attentifs à cette situation et veiller à introduire si nécessaire une réglementation suffisante. Les producteurs privés, tenus de la respecter, ne pourront maximiser leur profit que dans un cadre déterminé. A titre d’exemple, l’accès aux réseaux électriques, lesquels sont privatisés dans de nombreux pays. La réglementation en la matière (préconisée par l’Union européenne) assure une tarification efficace, fondée sur le coût.
Chacune de ces sensibilités montre l’importance d’une réglementation de qualité. La qualité d’une mesure existante ou à l’état de projet peut être confrontée à une série de critères, comme mentionné ci-avant. La forme précise de la réglementation a moins d’importance : privatiser ou non, sous-traiter le service public ou non, etc. Il est plus important que la réglementation soit conçue de manière telle à répondre de manière optimale aux critères, et ainsi atteindre le but de la réforme.
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