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De l’art subtil de piloter la politique budgétaire (13/06/2017)

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La Belgique s’est engagée vis-à-vis de l’Europe à rétablir l’équilibre des finances publiques en 2019. Un tel objectif est-il crédible ?

Des progrès ont été réalisés en matière de réduction du déficit public : de 4% du PIB au début des années 2010 (15 milliards d’euros), il devrait retomber à environ 2% en 2017 (8 milliards). En continuant sur cette lancée, l’équilibre pourrait en effet être atteint dans quelques années.

En même temps, on constate qu’aucun des gouvernements qui se sont succédé au fédéral depuis le début des années 2000 n’a pu aller au bout de ses ambitions d’assainissement, sauf à compter sur des ventes d’actifs de l’État ou sur de rares années de conjoncture exceptionnelle qui ont favorisé temporairement les recettes fiscales.

La critique est aisée, mais l'art est difficile. Piloter la politique budgétaire est tout sauf simple :

  • Pour estimer les économies à réaliser, il faut d’abord prévoir les recettes et dépenses des prochaines années à politique inchangée. Toute prévision comporte une marge d’erreur inhérente, qui peut être plus ou moins importante surtout si le contexte macroéconomique est instable. S’y ajoutent les coûts d’événements imprévisibles.
  • Quelle que soit la marge d’erreur, il y a une tendance de fond : sans pilotage, le déficit tend naturellement à s’accroître. Les dépenses sociales liées au papy-boom sont en pleine croissance, la baisse des intérêts de la dette touche à sa fin (alors qu’elle dégageait des marges depuis trois décennies), la croissance économique est globalement trop molle pour assurer une progression vigoureuse des recettes fiscales.
  • Ensuite, il est difficile d’estimer l’effet des mesures sur la conjoncture économique. Les restrictions budgétaires touchent au pouvoir d’achat et à l’activité économique via de multiples canaux, et certaines mesures modifient le comportement des contribuables et des consommateurs. Et en retour affectent négativement les recettes fiscales, ce qu’il faut compenser par des économies additionnelles. Mobiliser les modèles économétriques n’est pas toujours possible vu les calendriers budgétaires serrés. Et les organismes qui dictent le rythme de l’assainissement (l’Europe ou, au niveau belge, le Conseil supérieur des finances) sont relativement muets sur ces effets récessifs.
  • À côté des effets négatifs sur la conjoncture, il faut aussi tenir compte des effets sur le potentiel de croissance de l’économie belge à plus long terme. Et même tenter de les positiver en combinant aux mesures d’économies, des réformes certes coûteuses à court terme mais favorisant ultérieurement la croissance via la compétitivité, l’attractivité des investissements, la confiance. Cet arbitrage est complexe et hasardeux car les économistes peuvent conseiller mais pas prédire avec certitude. Le gouvernement doit donc faire des paris sur l’avenir.
  • L’Europe surveille les déficits, mais sur la base d’une comptabilité qui ne colle pas aux réalités budgétaires : la comptabilité européenne “SEC” prévaut. Elle comptabilise les recettes et dépenses autrement ou à un autre moment que dans les budgets. Le “secteur des administrations publiques” en SEC est plus large que les entités sur lesquels le gouvernement a une influence directe.
  • Les critères utilisés par l’Europe pour juger les trajectoires budgétaires sont techniques et abstraits. Il est question de “solde structurel”, d’”output gap”, de “composante cyclique”. Ces critères sont non seulement compliqués mais aussi questionnables sur le plan de leur validité théorique et empirique, et instables car sujets à des révisions rétrospectives parfois importantes. Ils intéressent les spécialistes pour comprendre les grandes tendances dans l’évolution des finances publiques, mais sont très peu pratiques pour le pilotage concret de la politique budgétaire.
  • L’organisation fédérale de la Belgique rend difficile la coordination budgétaire entre niveaux de pouvoir (fédéral, Régions), en particulier sur le partage des efforts d’assainissement. De plus, des leviers budgétaires potentiels peuvent être localisés dans des niveaux de pouvoir qui ne sont pas nécessairement les plus déficitaires. Enfin, les décisions prises à un niveau de pouvoir peuvent affecter le budget d’autres niveaux (comme le tax shift fédéral qui pèse sur l’IPP régional et les additionnels communaux).

La question de savoir si, oui ou non, la politique budgétaire est crédible apparaît finalement comme excessivement réductrice, quand on réalise la complexité du problème, les incertitudes inhérentes, la diversité des objectifs, la multitude des obstacles.

Le Bureau fédéral du Plan publie une étude qui explore certaines des difficultés évoquées ci-dessus. Plutôt technique et destinée aux spécialistes, elle s’intéresse en particulier à la question de la crédibilité des objectifs budgétaires dans un contexte d’incertitude quant aux effets transitoires ou permanents des mesures d’économies sur l’activité économique.

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